Carlo Giuliani
Le 20 juillet 2001 a été brutalement assassiné notre compagnon Carlo Giuliani, par la police fasciste italienne ; seulement pour revendiquer une répartition plus équilibrée de l'économie mondiale.
Seulement pour penser...
Carlo Giuliani, 23 ans, activiste, poète et anarchiste italien fut tué le 20 juillet 2001 durant les manifestations altermondialistes contre le sommet du G8 à Gênes.
Il fut tué par balle dans une confrontation où les carabiniers italiens (carabinieri ou police militaire) arrosaient depuis une jeep de gaz lacrymogène les manifestants qui leur lançaient des pierres.
Carlo Giulani avait attrapé un extincteur et s'apprêtait à le lancer à l'intérieur de la jeep. Il reçut une décharge de balle à la face alors qu'il chargeait le véhicule. Comme la jeep manoeuvrait pour s'éloigner, la roue arrière passa deux fois sur le corps du jeune homme.
Déroulement de l'histoire
Une jeep des carabiniers reste coincée dans une ruelle étroite, entre le trottoir et un conteneur poubelle, et elle est entourée par un groupe de manifestants. La fenêtre arrière n’existe plus, parce qu’elle a été défoncée à coups de godillots par l’un des militaires présents à l’intérieur de la jeep pour ouvrir un passage permettant de frapper les manifestants : un extincteur est lancé contre ces derniers de l’intérieur de la jeep.
Derrière, sur la gauche, on peut voir deux carabiniers appelant des renforts que des images grand champ permettent de voir massivement présents à moins de 30 mètres de là. La version selon laquelle les manifestants auraient donné l’assaut à une jeep isolée est donc un mensonge.
Mais, inexplicablement, les hommes (C.R.S) ne bougent pas, ils n’interviennent pas.
Le carabinier à l’arrière braque son pistolet hors de la fenêtre arrière. Le jeune homme au sweat le voit. Au contraire, Carlo Giuliani (le jeune homme en débardeur et cagoule) ne s’en aperçoit pas parce qu’il est en train de regarder à terre, où il voit probablement l’extincteur qu’il est en passe de ramasser.
Le jeune homme au sweat, effrayé à la vue de l’arme, essaye de courir loin de la jeep. Il semble que d’autres manifestants, au contraire, ne se soient pas aperçus du pistolet braqué.
Carlo Giuliani ramasse l’extincteur.
Maintenant Carlo Giuliani a l’extincteur en main, face au visage du carabinier. Probablement, il ne s’est aperçu que maintenant qu’il était visé par un pistolet.
Ce cadrage latéral permet d’évaluer les distances réelles de la scène, en révélant l’écrasement de la perspective des images prises avec le téléobjectif : au moment où Carlo soulève l’extincteur et que le coup qui le tue est en passe de partir, il se trouve à peu près à quatre mètres de la camionnette.
Cela veut dire que le carabinier à bord est en train de tirer – en visant délibérément la tête de Carlo – sans être particulièrement pressé par une agression rapprochée ou par une situation de risque immédiat pour lui-même.
Le pistolet vise directement la tête de Carlo. C’est une exécution sans pitié.
Un fois visé, le carabinier tire deux coups, dont l’un touche le jeune homme : il entre sous la pommette gauche et sort par la nuque. Il est 17 h 27.
Carlo tombe par terre, touché. Le recul du coup lui fait faire une embardée avant de tomber. A ce moment la jeep est encore coincée contre le trottoir.
Le chauffeur fait marche arrière sur le corps de Carlo. Le carabinier qui a tiré se couvre le visage avec les mains.
Le chauffeur engage la première : en passant la deuxième fois sur le corps de Carlo, la voiture avance de quelques mètres, où de nombreux renforts attendent. S’ils étaient si proches, pourquoi a-t-il fallu tirer ? Le carabinier à gauche met les mains sur son casque, en état de choc.
Maintenant celui qui a tiré est visible, il porte une de ces cagoules en dotation à mettre sous les masques à gaz.
Mais il n’a ni masque à gaz ni casque. Le chauffeur ne porte lui aussi qu’une cagoule.
Carlo reste sans vie sur l’asphalte. Quelques manifestants se précipitent pour lui porter secours, en essayant d’éviter qu’il ne se vide de son sang.
Les forces de l’ordre interviennent maintenant en masse et par de violentes charges et en lançant des lacrymogènes elles empêchent quiconque de s’approcher de l’endroit où l’Etat vient de commettre un meurtre sans pitié.
Les affrontements autour du corps de Carlo continuent plusieurs heures. Entre temps, dans leurs premières déclarations, les forces de l’ordre nient la responsabilité de ce qu’il s’est passé.
Les images de la télévision montreront un policier poursuivant un manifestant en lui criant « tu l’as tué, avec une pierre », et voilà la folle version à laquelle les responsables des carabiniers et de la police essayeront de faire croire, avant que ces images-ci commencent à faire le tour des agences et rendent clair pour tous de quel côté se trouve la vérité.
Le personnel de l’Assistance Publique parvient à entrer dans le cercle que les forces de l’ordre ont érigé autour du corps de Carlo. Penchée sur lui, une infirmière désespérée se prend la tête dans les mains. Il n’y a plus rien à faire.
La lettre de la mère de Carlo Giuliani
Te rendre compte que ton fils ne reviendra plus. Ce n’est pas facile.
Même après le bouleversement, le vacarme des premiers temps, quand tu te retrouves seule à la maison, tu continues à attendre : tu attends son pas sur l’escalier, sa façon bien à lui d’ouvrir la porte, son "salut !"
Quand tu commences à comprendre que tu voudrais seulement te cacher, dans l’obscurité, dans le silence.
Et pleurer.
Je n’ai pas pu pleurer toutes mes larmes pour mon fils, pour sa jeune vie, le futur écrasé sur l’asphalte d’une place : il y avait sa sœur et il y avait les autres, tous les autres fils et filles qui venaient chercher un réconfort, les yeux gonflés, la bouche pleine de rage, la tête pleine de questions. Comme si je n’en avais pas eu assez des miennes.
C’est comme cela que j’ai commencé à chercher des témoignages, des photos, des films, à regarder et re-regarder des milliers de fois la même scène. Je me souviens de la première fois où quelqu’un m’a dit : "C’est étrange, un jeune conscrit, effrayé… et pourtant la main empoigne le pistolet, bien tendue, décidée, oblique, comme le fait quelqu’un qui s’y entend, un tueur". Plus je me documentais et plus s’allongeait la liste de mes "pourquoi".
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